les personas sont aussi des masques sociaux

Les personas marketing sont ils dépassés ?

Existe-t-il une bonne stratégie de communication ou de marketing éditorial sans persona ? Au vu de la quantité de ressources et de contenus disponibles sur le sujet, on pourrait être en droit de se poser la question. Et en effet, le persona reste un outil encore particulièrement plébiscité par les professionnels de la communication et du marketing quand il s’agit de modéliser et d’incarner leurs audiences. Et si on prenait quelques instants pour se pencher sur la méthode des personas et y poser un regard critique ?

Un outil pour mieux comprendre son audience

Quand il s’agit de concevoir une campagne marketing, des supports de communication impactant ou encore des parcours utilisateurs optimisés pour convertir, la clé est évidemment de se mettre autant que possible dans les baskets des personnes qu’on cherche à toucher. Il n’y a rien de pire qu’une stratégie qui n’atteint pas ses objectifs parce qu’elle passe à côté de sa cible.

C’est Alan Cooper, développeur de son état, qui a été le premier à théoriser l’usage de ces portraits d’utilisateurs types, dès les années 90. À l’époque, il conseillait de les employer notamment pour concevoir des solutions digitales et informatiques afin que leurs cibles soient clairement identifiables par tous les acteurs du projet. Plus tard, par extension, il les indiquera aussi aux e-commerçants. À ce moment-là, il n’est pas question de segmentation marketing ou de profils utilisateurs. L’objectif est plutôt de constituer des archétypes d’utilisateurs à partir de synthèses de données.

Cependant, petit à petit, le persona a évolué, pour finir par s’imposer comme une méthode sans équivalents pour fractionner ses audiences, appréhender leurs usages et leurs problématiques. Il permet d’entrer en empathie avec les personnes ciblées en comprenant leurs émotions et leurs frustrations. Le tout dans un format accessible et lisible. 

Alors que la personnalisation est au cœur des préoccupations, pas étonnant que la fiche persona continue de remporter un tel succès !

 

Du persona au protopersona : une méthode en question

Comprendre ses cibles, ce qu’elles pensent et pourquoi et comment elles agissent est un enjeu essentiel. Mais malheureusement, cela demande un niveau de granularité aussi coûteux que chronophage. Il faut collecter, traiter et analyser une multitude de données, les croiser avec des entretiens utilisateurs et des questionnaires clients. Autant d’éléments à synthétiser et structurer selon des variables à la fois justes et pertinentes pour le projet.

 Un vrai boulot de sociologue, que peu d’organisations ont le moyen de mettre en place.

C’est pour ça que dans l’immense majorité des cas, ce qu’on présente comme un persona est en réalité… un protopersona.

La différence ? Le protopersona est un persona ad hoc, établi à partir des données à disposition, mais aussi d’a priori et de ressentis. Celui qu’on appelle parfois « persona bullshit » » parce qu’il est à la fois opportuniste et subjectif, est en réalité une représentation du client cible à un instant T.

Si le protopersona n’a pas la solidité du persona, il reste malgré tout précieux. En début de projet, il peut aider les parties prenantes à s’aligner sur les profils types des personnes à cibler. 

Un proto persona efficace est construit lors d’ateliers collaboratifs, ou tous les acteurs partagent leurs connaissances et leurs intuitions. Il peut servir d’hypothèse de départ pour un dispositif plus poussé. Quand il est envisagé dans une démarche agile, le protopersona peut évoluer au fil des itérations du projet, pour se rapprocher d’une certaine vision de la réalité.

 

La légitimité des archétypes

Par nature, un persona ne peut désigner qu’un archétype. Si on reprend (très) grossièrement les travaux de Jung, un archétype est un modèle universel, forgé dans l’inconscient collectif par des mythes et récits ancestraux. C’est-à-dire une vision stéréotypée d’un segment d’utilisateurs 

Quand bien même il n’existe pas de méthode particulière pour construire ses personas, on y retrouve plus ou moins les mêmes variables. Données démographiques, usages digitaux, pratiques de consommations, verbatims…ces datas peuvent paraître pertinentes pour mieux donner vie à son utilisateur. Et pourtant, elles ont leurs limites, comme le prouvent le Roi Charles III et Ozzy Osbourne. Deux personnalités aux antipodes l’une de l’autre, avec pour chacune d’elles une conception du monde unique, deux profils qu’aucun message ne saurait cibler ensemble. Et pourtant… la même fiche persona. 

 

persona ozzy osbourne et charles III

 

 

 

C’est là que réside l’une des principales limites des personas. Ils sont construits à partir de modèles et de représentations stéréotypées. Ils n’échappent pas aux effets de halo et à nos biais de confirmation. 

Or, ce qu’un persona devrait nous dire, c’est ce que nos cibles pensent. Qu’est-ce qui les émeut ? Comment prennent-elles leurs décisions ? Qu’est-ce qu’elles cherchent à accomplir ? Quel est leur contexte de vie ? Autant de réponses qui ne se trouvent pas nécessairement dans une analyse statistique, et qui demandent autant de nuance que de finesse. Pour désigner la part de personnalité qui organise notre rapport à la société, Jung (encore lui) parle de persona. Ce masque de comédie sociale est souvent qualifié de s cherchent à accomplir ? Quel est leur contexte de vie ? Autant de réponses qui ne se trouvent pas nécessairement dans une analyse statistique, et qui demandent autant de nuance que de finesse. Pour désigner la part de personnalité qui organise notre rapport à la société, Jung (encore lui) parle de persona. Ce masque de comédie sociale est souvent qualifié de « faux self » et souligne la nature imparfaite de cet outil pour dessiner nos cibles marketing.

 

 

Jeter le persona avec l’eau du bain ?

Faut-il pour autant se débarrasser de ses fiches utilisateurs ?

Bien sûr que non ! En revanche, ce qu’il faut repenser, c’est leur finalité et leur exploitation. Plutôt que de les envisager de la même manière que des audiences types, il serait peut-être plus bénéfique (et plus opérationnel) de s’en servir comme des hypothèses. Elles pourront vous être utiles pour de l’A/B test par exemple.

Quelles que soient les informations que vous avez à disposition (quantitatives ou qualitatives), les personas peuvent être une première esquisse de celles et ceux à qui vous souhaitez vous adresser en priorité. Elles peuvent être un outil pour ajuster votre positionnement et vos messages clés. À condition toutefois de ne pas se cantonner aux données statistiques, de ne pas envisager vos personas comme un instrument statique et gravé dans le marbre, et de garder en tête que bien souvent, en communication et en marketing, ce qui fait toute la différence, c’est l’émotion.

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